La technologie numérique est près d’atteindre ses limites physiques, mais la voie de sortie passe par davantage de centres de données, mais aussi par la maîtrise de leur empreinte carbone. Presque du jour au lendemain, à cause de qui vous savez, tout ce qui pouvait passer en virtuel a quitté le monde physique.
D’un point de vue énergétique, les conséquences ne se sont pas fait attendre : les émissions de CO2 liées à l’industrie et aux transports ont drastiquement chuté. Mais qu’en est-il de la demande énergétique liée à l’explosion de l’utilisation des services numériques ? Les chiffres manquent encore pour que l’on puisse en mesurer l’impact.
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Le monde tourne autour des centres de données
Une chose est certaine et Babak Falsafi, directeur du centre EcoCloud de l’EPFL, ne manque pas de la mentionner : «Derrière tout ce qui est numérique, il y a un centre de données. Nous nous dirigeons vers un monde où tout est numérisé. Toutes les activités, de tous les secteurs. »
« La pandémie a transféré beaucoup d’activités professionnelles en ligne, provoquant une augmentation de la demande, essentiellement pour de la vidéo. En outre, la demande pour du streaming de loisir a explosé. De surcroît sur des supports de haute résolution et donc plus gourmands en données et en énergie, résume le responsable. Les gens ne réalisent pas ce que ça représente de regarder un film en 8k en termes de traitement, de transport de données et donc de consommation électrique. C’est gigantesque ! »
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Data centers : principaux pollueurs de l’environnement
Ce n’est pas près d’être terminé. Le développement d’un vaccin prendra des semaines voire des mois, sans compter la deuxième vague. Nombre d’organisations, notamment dans le domaine de l’éducation, ont déjà annoncé que le virtuel allait continuer, au moins dans un format hybride pour les cours par exemple.
L’enjeu est phénoménal. Il l’était déjà avant la crise sanitaire. « L’Internet des objets, la prolifération de l’intelligence artificielle, l’arrivée de la 5G ou encore les poussées technologiques – comme le passage des téléviseurs de résolution 4k à 8k – vont faire exploser la demande et donc la consommation énergétique », rappelle Babak Falsafi.
Entraîner un seul modèle d’intelligence artificielle du type « Transformer » pourrait émettre autant de CO2 que cinq voitures américaines au cours de toute leur vie, titrait la MIT Technology Review il y a un an. Autre exemple, Netflix a annoncé qu’en 2019 sa consommation énergétique avait augmenté de 84%, atteignant 451’000 mégawatts-heure soit autant que pour alimenter 40’000 foyers américains durant une année.
Certaines projections avancent que d’ici à la fin de la décennie 8% de la consommation d’électricité mondiale proviendront du numérique, provoquant 4% des émissions de CO2. Selon les estimations, la facture électrique se situe aujourd’hui entre 3 et 5% de l’énergie mondiale. Cela comprend, d’une part, les centres de données, dont les plus gigantesques atteignent déjà plusieurs centaines de mégawatts. D’autre part, dans une proportion équivalente, les réseaux qui les transportent.
Les data centers sont sur le point d’atteindre ses limites
Parallèlement à l’explosion de la demande, l’offre fait face à une limite physique. La loi de Moore, qui énonce que le nombre de transistors contenus dans les microprocesseurs double tous les deux ans, atteint ses limites. On ne peut plus rendre le silicium plus dense comme on l’a fait au cours de 50 dernières années. La solution consiste donc à construire de nouveaux centres de données ou à agrandir les existants.
Qui paie la facture «climatique » ? « Personne ! répond Babak Falsafi. Personne n’est responsable des émissions carbone. L’utilisation d’une connexion Internet est facturée par un opérateur mais les services des fournisseurs, comme la recherche Google ou Facebook, sont gratuits. Ces géants du numérique veulent récolter des données et les utiliser pour améliorer leurs services.
Ce modèle ne tient donc pas compte de l’empreinte carbone puisque l’analyse énergétique se fait sur les centres de données et non pas sur les réseaux. » Edouard Bugnion, vice-président pour les systèmes d’information à l’EPFL, renchérit: « Les centres de données sont le conditionnement des changements technologiques sous une forme consommable. Ils sont le véhicule qui permet au cyberespace de se développer. Google n’existerait pas sans centres de données. Beaucoup de recherches à l’EPFL n’auraient pas fonctionné non plus. »
Vers des centres plus durables
Depuis 2011, le centre EcoCloud de l’EPFL travaille à sortir de l’impasse physique du silicium en misant sur la technologie pour rendre les centres de données plus efficaces et réduire leur empreinte énergétique. A l’époque personne ne se préoccupait de cet aspect. Aujourd’hui le vent a tourné.
« Il y a trois aspects à prendre en compte dans l’équation, résume Edouard Bugnion. D’abord, l’efficacité énergétique du centre afin de l’améliorer. Ensuite, la quantité de carbone émise pour le faire fonctionner afin de se tourner vers des sources durables ou renouvelables. Enfin, l’utilisation de l’énergie produite par les machines qui se transforme en chaleur. Peut-on en faire quelque chose de plus que d’ouvrir les fenêtres pour chauffer le parking ? »
En lançant leur label énergétique au début de l’année, EcoCloud et les membres de la Swiss Data-center Efficiency Association (SDEA) entendent maintenant quantifier combien de CO2 par kWh est généré par les centres de données. Avec le label, ils espèrent encourager l’adoption des énergies renouvelables dans les technologies de l’information.
Crédit: Article adapté d’une publication originale sur le site de l’EPFL, les textes, les images et les vidéos sont sous licence CC BY-SA 4.0